Le 25 novembre 2017, le Secrétaire Permanent du Groupe d’Action contre le Blanchiment d’Argent en Afrique Centrale (GABAC), a été reçu en audience par son Excellence, Monsieur Idriss DEBY ITNO.
En présence du Ministre, Secrétaire Général du Gouvernement, chargé par intérim des Finances et du Budget, du Secrétaire Général de la Présidence de la République, du Directeur du Cabinet Civil et du Directeur de l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF), les deux interlocuteurs ont passé en revue la menace du « de-risking » qui pèse sur le Tchad, l’état de mise en conformité du dispositif anti blanchiment et contre le financement du terrorisme du Tchad avec les standards internationaux en la matière, l’opérationnalité de l’ANIF et le niveau d’évolution de l’exercice de typologies que le GABAC mène sur le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme par ls opérations de transfert de fonds et de change manuel.
S’agissant du premier sujet, les banques du Tchad éprouvent de plus en plus de mal à maintenir des relations avec leurs correspondants. De sorte qu’il leur est devenu difficile d’honorer les ordres qui leur sont donnés par leur clientèle pour faire face à leurs engagements financiers de toutes sortes avec l’étranger. Ce phénomène couramment appelé « de-risking », consiste pour les banques de la place financière internationale en la rupture de leurs relations avec leurs partenaires, ici, les banques tchadiennes, pour ne pas endosser les risques que ces derniers représenteraient pour elles du fait, entre autres, de leur faible ou non application de toutes les diligences qui leur incombent en matière de lutte anti blanchiment et contre le financement du terrorisme.
Fondé sur la perception, sur la réputation ou sur l’environnement criminogène d’un pays pour ce qui est des considérations subjectives et sur les notations obtenues par un pays à l’issue de son évaluation mutuelle sur la volonté affichée de mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport d’évaluation mutuelle pour ce qui est des considérations objectives, si le phénomène ci-dessus évoqué devait s’amplifier, cet état de fait ne manquerait pas d’avoir des conséquences pernicieuses dans les relations commerciales du Tchad, déjà victime de crise économique, avec l’extérieur.
Pour inverser la tendance, il a été convenu que, dans le cadre de l’application de la Résolution N°01 datée du 05 septembre 2017 de la Plénière Ministérielle du GABAC et compte tenu d’un environnement à forte prévalence des espèces et d’un contexte sécuritaire plus que fragile, le Ministre des Finances et du Budget devait prendre toutes les mesures tendant non seulement à rappeler aux établissements de crédit en particulier, et à tous les autres assujettis en général, leur assujettissement aux obligations de prévention du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, mais également à les mettre effectivement en œuvre dans le respect rigoureux du Règlement communautaire dans le domaine. Ce faisant, les concernés devraient s’assurer de l’origine licite des fonds mis à leur disposition par la clientèle et le cas échéant de procéder à la déclaration de toute opération qui leur paraîtrait suspecte à l’Agence Nationale d’investigation Financière (ANIF) y compris s’agissant de personnes politiquement exposées. Parallèlement, le Directeur de l’ANIF devait s’atteler à établir une relation de confiance dans le cadre d’une coopération renforcée.
Exposant le sujet, le Secrétaire Permanent a fait état de ce que, le rôle du GABAC, étant de veiller à la mise en œuvre rigoureuse des recommandations du GAFI, il a procédé à l’évaluation du dispositif juridique et institutionnel de la lutte antiblanchiment et contre le financement du terrorisme de la République du Tchad en 2014. Et qu’au regard du peu de progrès fait l’Etat Tchadien dans la mise en oeuvre il a été inscrit dans le régime de suivi accéléré.
A la suite de son propos, parmi les mesures les plus urgentes à prendre, le Président de la République a prescrit que le Gouvernement soumette à l’Assemblée, les projets de textes portant ratification de certaines Conventions des Nations Unies dans les meilleurs délais. A ce sujet, il s’agit notamment, de la Convention des Nations-Unies contre la Corruption et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme et leurs protocoles additionnels respectifs. De même, il a demandé que l’on soumette à sa signature, des projets de Décrets dont, l’un porterait sur la mise en conformité de l’organisation et du fonctionnement de l’ANIF avec le texte communautaire sur le blanchiment d’argent et l’autre, sur la nomination des membres de cet organisme. Enfin, il a engagé l’ensemble du Gouvernement à exécuter le plan d’actions qui lui sera soumis par le Secrétariat Permanent dans le cadre du processus du suivi évaluation.
S’agissant de l’ANIF, clé de voûte de la lutte anti blanchiment et contre le financement du terrorisme, le Secrétaire Permanent a salué les efforts jusque là faits par les autorités Tchadiennes pour la rendre opérationnelle. Tout en occultant pas la situation difficile que connaît le Tchad en ce moment, le Secrétaire Permanent a cependant encouragé lesdites autorités, à mettre à la disposition de la cellule de renseignement financier du Tchad et ce, de manière régulière, les moyens financiers dont elle a cruellement besoin pour mener ses missions de manière efficace dans un environnement qui nécessite une « traque » permanente des flux financiers qui alimentent le terrorisme et la sensibilisation des assujettis et des autorités de poursuites à la maîtrise du Règlement communautaire portant prévention et répression du blanchiment et du financement du terrorisme d’une part, et pour honorer ses engagements sous régionaux et internationaux d’autre part.
Enfin, le Secrétaire Permanent a brièvement évoqué l’état d’avancement de l’étude en cours sur les vulnérabilités au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme inhérente aux opérations de transferts de fonds et de change manuel. Ce faisant, il a fait part de ce que les statistiques disponibles révèlent, pour ce qui concerne le Tchad, des flux financiers importants en provenance et à destination de pays connus pour leur instabilité et pour la présence en leur sein, d’organisations terroristes tels, Boko Haram et ceux affiliés à Al Qaida et au Groupe Etat Islamique.
Le Secrétariat Permanent a été fortement encouragé à mener l’étude en question à terme dans les meilleurs délais et plus précisément à transmettre les statistiques ci-dessus évoquées aux autorités Tchadiennes pour une exploitation au regard de l’environnement criminelle du Tchad et des relations économiques que ce dernier pourraient avoir avec les pays repris dans les données.
Après que différentes pistes ont été explorées, le Président de la République a prescrit au Ministre des Finances et du Budget, d’apurer dans l’urgence, les arriérés dus à l’ANIF et à l’instar des autres agences de renseignement, de mettre en place un mécanisme allégé pour la mise à disposition des ressources budgétaires destinées à l’ANIF.
Après quelques échanges de circonstance avec le Secrétaire Permanent du GABAC, le Chef de l’Etat n’a pas manqué de réaffirmer sa détermination personnelle, son plein soutien au Gouvernement dans la nécessité, d’assainir la gestion de la chose publique, d’œuvrer pour la bonne gouvernance et de lutter contre toute menace à caractère terroriste.